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07/06/2010

Crise économique. L’exception marocaine ?


Le royaume peut remercier l’agriculture de l’avoir relativement protégé de la crise.


Si la récession qui plane sur l’économie mondiale semble épargner le Maroc, le pays a malgré tout été touché par
la crise. Explications.

“Le Maroc est l'un des pays à économie diversifiée qui ont le mieux résisté à la crise financière mondiale”, affirmait, le 12 mai, Dominique Strauss-Kahn, directeur général du Fonds monétaire international (FMI). Le royaume pourrait même retrouver rapidement un taux de croissance supérieur à 5%, selon le plus puissant banquier de laplanète. L’institution de Bretton Woods semble ainsi optimiste sur le cas Maroc alors que les économies européennes peinent à renouer avec la croissance. Mais le constat du patron du FMI est à prendre avec des pincettes. Certes, l’impact de la crise économique mondiale sur le Maroc a été limitée, mais le royaume n’en est pas sorti tout à fait indemne. En effet, après avoir été épargné dans un premier temps par la crise des subprimes, grâce à (ou à cause de) sa faible exposition au marché financier international, le royaume a subi, depuis le deuxième semestre 2008, les répercussions de la récession qui a rattrapé les économies mondiales. “Le Maroc a été touché via le canal des exportations, du tourisme et des transferts des Marocains résidents à l’étranger (MRE). Mais vu que notre économie n’est pas suffisamment intégrée, l’impact de cette crise a été relativement atténué”, explique Habib El Malki, économiste et président du Centre marocain de la conjoncture (CMC).

Sauvé par la pluie
L’impact relativement limité de la crise sur le Maroc ne relève donc pas tellement de la solidité de son économie. Possédant un système bancaire (trop) fermé, le pays a pu éviter le choc financier qui a frappé les marchés de capitaux à travers le monde. Mais ce n’est pas tellement un signe de bonne santé. “La crise a été ressentie proportionnellement au degré d’intégration du pays dans l’économie mondiale”, indique l’économiste Driss Benali. De même, le régime actuel de rattachement du taux de change a bien servi le Maroc. Les pouvoirs publics ont maintenu la valeur du dirham en ligne avec les paramètres économiques fondamentaux. Mais dans ce contexte difficile, le Maroc a surtout été sauvé par une campagne agricole exceptionnelle (105 millions de quintaux). Trop dépendant du secteur primaire, le Maroc a vu les aléas climatiques jouer en sa faveur. Sauf que l’on ne peut pas toujours compter sur une bonne saison. Cette année, d’ailleurs, la valeur ajoutée du secteur agricole risque de stagner. En effet, d’après les dernières données communiquées, la superficie semée en céréales a connu une baisse de plus de 8% due au retard des précipitations. Une pluviométrie qui a eu cette saison un effet désastreux sur les récoltes dans certaines régions, mais qui a également été bénéfique pour l’installation des cultures de printemps.

Ce n’est pas encore fini ?
En dépit de la lenteur de la reprise des économies des principaux pays partenaires du royaume, les indicateurs économiques du Maroc sont plutôt positifs. D’après la dernière note de conjoncture de Bank Al-Maghrib, la poursuite du redressement des activités non agricoles et la bonne tenue de l’agriculture se sont confirmées. L’enquête prévoit aussi une reprise de l’activité industrielle au niveau de l’ensemble des secteurs, à l’exception de celui du textile et du cuir qui peinent toujours à décoller. Autre bonne nouvelle, le déficit commercial a reculé de 7%, tandis que les recettes des MRE ont augmenté de 7,4%.
En revanche, les investissements directs étrangers (IDE) ne cessent de chuter, passant de 6,4 durant le premier trimestre 2009 à 2,4 milliards de dirhams en 2010. “Ce qui n’est pas un bon signe. Les IDE ont été un levier de croissance important pour le Maroc ces dernières années”, souligne Habib El Malki. Du coup, les prévisions de croissance sont revues à la baisse. “Si l’on prend en considération les intempéries, les récoltes et les retombées de la crise mondiale et européenne, le taux de croissance ne dépassera pas les 3 à 3,2%. Ce qui n’est pas si mauvais dans cette conjoncture. Même si une économie émergente doit être à 5 ou 6% de taux de croissance”, explique Habib El Malki.
Les pouvoirs publics ont essayé par tous les moyens de contrer les effets de la crise. Ainsi un comité de veille stratégique a été mis en place dès 2009 pour venir en aide aux secteurs en difficulté, notamment le textile et l’automobile. “Mais l’action du comité s’est limitée à des mesures à caractère conjoncturel qui ont réduit l’ampleur des effets de la crise, mais sans que cela ne se traduise par un plan stratégique qui jette les bases d’un développement englobant tous les secteurs”, indique le président du CMC.
Et la crise est loin d’être derrière nous. Les difficultés monétaires et budgétaires des économies de l’Union Européenne risque de se répercuter sur le Maroc. “La baisse de l’Euro se traduit automatiquement par une appréciation du dirham, ce qui n’est pas sans effet sur les échanges du pays. On suit de près ce qui se passe en Europe, qui représente 60% de nos exportations”, indique Nezha Lahrichi, présidente de la Société marocaine d’assurance à l’exportation (Smaex). Une donne qui risque d’aggraver la situation des exportations marocaines qui n’arrivent toujours pas à s’imposer sur les marchés internationaux. A titre d’exemple, à fin mars, les exportations du textile ont chuté de 35,5% pour les vêtements confectionnés et 28,8% pour les articles de bonneterie. “Dans ce contexte, la diversification des produits est une question cruciale. Il faut qu’on arrive à se positionner sur ce rééquilibrage économique”, souligne Nezha Lahrichi. Sauf que la faible compétitivité du produit marocain ne facilite pas les choses.
Bourse. D’une correction à l’autre
La place de Casablanca a certes été épargnée par la crise financière qui a rattrapé les bourses internationales, mais elle a connu une crise psychologique qui n’était pas facile à dépasser. Les institutionnels et organismes de placements collectifs en valeurs mobilières (OPCVM) sont devenus frileux. “Le marché financier marocain est très défensif. Ce qui fait qu’il réalise moins de bénéfices en temps de hausse et accuse moins de perte en temps de baisse”, explique Taha Jaidi, analyste à Atijjari intermédiation. La Bourse de Casablanca est entrée en correction à partir du troisième trimestre 2008. Les entreprises opérantes dans des secteurs dépendant des marchés internationaux, comme les mines et l’énergie, ont vu leurs cours dégringoler. De même, face à des incertitudes sur la baisse des prix de l’immobilier, les sociétés du secteur ont été touchées de plein fouet. Ces derniers temps, la Bourse de Casablanca est dans un trend haussier, boostée entre autres par la méga opération de fusion ONA-SNI. source: telquel

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