Nous sommes désormais devant un point d'inflexion dans la politique partenariale au Maroc. La convention signée, jeudi dernier au Palais royal d'Agadir, entre le groupe Alstom et le gouvernement marocain, montre l'impact que la politique des infrastructures peut avoir sur la compétitivité du Royaume.
En respect des termes de cette convention, Alstom s'engage à réaliser sur les 10 prochaines années un volume d'achats auprès des PME marocaines pour une valeur de 6 milliards de DH. Le groupe construira une unité industrielle qui doit générer sur la même période un volume à l'export de 3,5 milliards de DH. L'impact en termes de création d'emplois est de 5000 postes. Sans oublier l'offshoring, domaine où Alstom s'engage pour un contrat portant sur 65 postes à forte valeur ajoutée technique. L'on pouvait acheter le tramway et le TGV sans chercher à capitaliser sur cet investissement pour développer la filière ferroviaire par la même occasion. Mais le Maroc n'a que faire de ce choix de la facilité. Contacté, Ahmed Réda Chami, ministre de l'Industrie, du commerce et des nouvelles technologies, souligne que plusieurs pays imposent la contrepartie industrielle pour les gros contrats et que rien n'empêche le Maroc de la demander à d'autres entreprises dans l'avenir.
Le ministre précise pourtant que ce partenariat avec Alstom n'a pas été le fruit d'une quelconque exigence, mais bien l'aboutissement naturel d'une relation économique porteuse de progrès. En tout cas, la liste des réalisations programmées est prometteuse et ce même dans le très court terme. Les actions prévues par la convention seront mises en chantier dès 2011 pour devenir pleinement opérationnelles en 2012. Selon Thierry de Margerie, président d'Alstom Maroc, le montant de ces achats annuels sera dès 2012 multiplié par un facteur de 10 à 15.
Et ce chiffre pourrait encore s'accroître en fonction des succès commerciaux futurs. Plus encore, le groupe veillera à implanter au Maroc des activités de service de haut niveau tel que le support informatique à distance. Mais est-ce qu'aujourd'hui les PME marocaines sont-elles suffisamment outillées pour accompagner Alstom dans sa stratégie au Maroc ? Chami indique qu'il y en a qui sont déjà prêtes et d'autres qui n'ont pas encore la capacité requise. Pour ces dernières, le ministre nous annonce qu'elles feront l'objet d'accompagnement dans le cadre des programmes Moussanada et Imtiaz, lancés en novembre 2009. En tout cas, cela fait presqu'un an qu'Alstom est en contact avec les PME marocaines dans le cadre de la préparation de la convention. Le groupe peut donc compter sur cette masse critique avant de passer au plein régime durant les années 2011 et 2012. Tous ces projets mis ensemble contribueront à l'acquisition par le Maroc d'une expertise dans la filière ferroviaire. Ce qui en fera, comme cela est prévu d'ailleurs, une base dans le domaine de la maintenance pour la zone Mena. Cette ambition est d'autant plus réalisable que la convention prévoit de développer fortement la formation dans le transport sur rail. Ainsi, Alstom participera, avec ses partenaires marocains, à la création et l'animation d'un institut de formation aux métiers du ferroviaire. n
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Entretien avec Thierry de Margerie, président d'Alstom Maroc
«Avec son réseau de PME et ses atouts industriels, le Maroc contribue à notre stratégie commerciale»La convention signée entre le Maroc et Alstom, jeudi dernier à Agadir, en présence de S.M. le Roi, est une nouvelle pierre apportée à l'édifice des projets structurants. Plus encore, elle jette les bases d'un nouveau métier marocain dans le secteur ferroviaire avec l'intégration de toute la chaîne. Explications.
LE MATIN : Alstom réalisera sur les 10 prochaines années un volume global à l'export de 10 milliards de DH. Le groupe investira aussi dans une unité industrielle, dans le domaine de l'offshoring et dans la formation. Autant dire que l'on est devant un projet intégré dans la filière ferroviaire. Pourquoi le choix du Maroc et peut-on s'attendre à ce que le Royaume devienne une sorte de hub pour le groupe dans la région?
THIERRY DE MARGERIE: Dans tous les métiers d'Alstom, le transport sur rail mais aussi la génération et le transport d'électricité, nous sommes parmi les trois premiers mondiaux. Ce savoir-faire, nous l'avons mis à la disposition du Royaume du Maroc depuis longtemps et Alstom se positionne comme partenaire stratégique dans le développement des infrastructures et des compétences tant ferroviaires qu'énergétiques du pays. D'autre part, le Maroc nous permet avec son réseau de PME et ses atouts industriels, de contribuer à notre stratégie commerciale. Celle-ci consiste à offrir à nos clients marocains et européens des solutions compétitives avec des technologies de pointe et éprouvées. Le Maroc est engagé dans un rythme élevé d'investissements en infrastructures, et dans une stratégie d'émergence industrielle. Alstom peut y contribuer sur ces deux dimensions. En associant petit à petit le Maroc à nos unités européennes, en cherchant des synergies avec d'autres grands projets dans la région, nous pouvons apporter notre pierre au rayonnement économique international du Royaume. C'est le fondement de la convention stratégique signée le 6 janvier.
Le Maroc s'est engagé dans une politique volontariste dans le domaine du transport ferroviaire. Comment votre groupe compte-t-il capitaliser sur cet acquis et le développer ?
L'accord stratégique signé le 6 janvier est à la fois un aboutissement et un commencement. Un aboutissement qui nous permet de capitaliser sur les projets aussi emblématiques que les tramways de Rabat-Salé et de Casablanca comme celui du train à très grande vitesse en cours de réalisation. Notre savoir-faire de multi-spécialiste du ferroviaire nous permet d'offrir des solutions innovantes et respectueuses de l'environnement qui aident nos clients à remplir leurs objectifs de performance économique et de qualité de service. Ainsi, nous contribuons à faire des transports ferroviaires, dans leur ensemble, un outil de modernisation pour le pays. Mais l'accord est aussi un départ, compte tenu de la volonté commune de donner une nouvelle dimension à la relation historique entre le Maroc et Alstom. L'accord ouvre de nouveaux horizons dans plusieurs directions. Nos relations avec nos fournisseurs marocains tant ceux aujourd'hui installés au Maroc que ceux dont nous y faciliterons l'installation vont changer d'échelle. Le montant de ces achats annuels sera dès 2012 multiplié par un facteur de 10 à 15 et ce chiffre pourrait être encore accru en fonction de nos succès commerciaux futurs. Nous allons également créer au Maroc, avec des partenaires, une société qui approvisionnera Alstom Transport en composants électriques. Nous allons aussi veiller à l'implantation au Maroc d'activités de service de haut niveau tel que le support informatique à distance dont nous avons besoin dans un certain nombre de nos implantations. Enfin, nous allons agir dans le domaine de la formation et des relations avec les Universités marocaines. Alstom participera, avec ses partenaires marocains, à la création et l'animation d'un institut de formation aux métiers du ferroviaire.
Pouvez-vous nous parler plus explicitement de l'importance de la nouvelle unité industrielle et son impact à l'export?
Nous allons créer une société de composants électriques et électroniques pour le matériel roulant, la signalisation, les infrastructures et la maintenance. Cette société nous permettra, aux côtés du réseau des fournisseurs et sous-traitants marocains travaillant avec nous depuis 5 ans, de renforcer notre politique d'approvisionnement. Mais elle pourra aussi servir d'autres clients ferroviaires. Ce projet devrait être significativement créateur d'emplois puisque 250 postes sont estimés en 2015, et nettement plus ensuite, avec la montée en puissance de la société. Cette société illustre parfaitement notre politique de contribution active au développement des infrastructures et des équipements en favorisant le développement du tissu industriel et de l'emploi local.
Quels sont vos premiers projets programmés pour l'année 2011 et 2012 ? Et quel effet d'entraînement de ces projets sur d'autres secteurs au Maroc?
Les actions prévues par la convention sont à engager dès 2011 afin de devenir pleinement opérationnelles en 2012. Cela signifie de travailler de façon simultanée sur 3 fronts. D'une part pour développer le panel des fournisseurs à partir de critères de qualité, de capacité industrielle et de compétitivité. D'autre part, de créer la nouvelle société. C'est-à- dire, conclure avec un partenaire, trouver un lieu, déposer les statuts, installer l'outil de production ou le dimensionner s'il existe déjà et former les équipes. En parallèle, concrétiser le volet formation-acquisition des compétences à travers la signature des partenariats avec les Universités ou encore la création de l'institut de formation aux métiers du ferroviaire. L'accord centré autour du ferroviaire a vocation à s'étendre, par exemple, à la génération d'électricité, domaine dans lequel nous avons contribué à installer plus de la moitié de la capacité marocaine. Nous mettons à l'étude ce qui pourrait être fait dans cet esprit dans le domaine des énergies renouvelables. Par Mostafa Bentak
source:| lematin.ma
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