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20/04/2010

Des étudiants francophones dénoncent les réformes d’arabisation


Les 24 et 25 mars, une centaine d’étudiants mauritaniens francophones ont manifesté à l’université de Nouakchott contre le projet d’arabisation de l’éducation et de l’administration mauritaniennes du gouvernement du Premier ministre Moulaye Ould Laghdaf. La marche a rapidement dégénéré en échanges de jets de pierre et de grenades de gaz lacrymogènes entre les étudiants et les forces de l’ordre.

Le conflit entre tenants d’une arabisation complète de la Mauritanie et les défenseurs de la langue française remontent à l’indépendance du pays, en 1960. Depuis cinquante ans, celui-ci doit composer avec les revendications de la majorité maure, arabophone, et celles des minorités noires africaines qui parlent à la fois le français et diverses "langues nationales" (poular, wolof ou soninké).

À partir de 1973, dans un climat de nationalisme exacerbé, les autorités ont amorcé une arabisation massive du système éducatif et de l’administration, ce qui déplut fortement aux populations noires africaines. Pour apaiser les minorités, un système de double cursus (arabe pour les maures et bilingue à dominante française pour les minorités noires) censé être provisoire est instauré. Mais il s’avère onéreux et inégalitaire et, en 1999, le gouvernement procède à une cinquième réforme qui tente de rééquilibrer les deux langues dans un même cursus, en enseignant les maths et les matières scientifiques en français, et les lettres et sciences humaines en arabe. Un récent discours du Premier ministre Laghdaf, qui a évoqué une prochaine arabisation de l’administration (documents administratifs, discours officiels), a provoqué la colère d’une minorité de francophones. Plusieurs centaines d’étudiants décident d’organiser une marche le 24 mars pour protester contre ce qu’ils perçoivent comme une discrimination contre les minorités noires dont ils sont issus.

"En tant qu’étudiants francophones, on représente la race noire discriminée"

Alassane est étudiant en économie à Nouakchott. Mauritanien noir francophone, il est opposé à l’arabisation de l’éducation et de l’administration de son pays.

Etudiants francophones, nous sommes opposés aux nouvelles politiques d’arabisation annoncées par le Premier ministre. Nous sommes inquiets d'entendre les propos discriminants de la ministre mauritanienne de la Culture [Cissé mint Cheikh Ould Boidé] qui a affirmé que la langue française et les langues nationales représentent "un obstacle pour la langue arabe". Nous estimons que, en tant qu’étudiants francophones, nous représentons la race noire discriminée. Nous craignons qu’à terme, toutes les matières soient enseignées en arabe et que le français soit réduit au statut de langue étrangère.

Nous avons été surpris par la brutalité de la répression policière, le 24 mars. Non seulement ils ne nous ont même pas laissé sortir de l’enceinte de l’université, mais en plus ils ont jeté des grenades de gaz lacrymogènes dans l’enceinte de la faculté des Sciences et Techniques. Plusieurs étudiants ont été blessés. Il existe déjà de fortes tensions entre les populations maures et les populations noires dans le pays, et cette répression n’a fait que jeter de l’huile sur le feu.

Nous pensons que les politiques d’arabisation vont déstabiliser et dégrader le système éducatif et isoler la Mauritanie sur la scène internationale, puisque même les pays arabes ne travaillent pas uniquement en arabe."


Alassane X.
Mauritania
Student

"Je ne pense pas que cette réforme soit discriminante"

Ebada Ould Eljouneide est enseignant et fonctionnaire du ministère de l’Éducation en Mauritanie. Maure et arabophone, il défend un système éducatif bilingue pour tous.
Le système de double cursus, arabophone pour les maures et francophone pour les noirs, était intenable : il aboutissait à une situation où les habitants d’un même pays ne se comprenaient plus et n’arrivaient pas à communiquer entre eux, c’était absurde ! Je considère que la réforme divisant les différentes matières entre les deux langues est positive, car elle aboutit à un système moins coûteux et unifiant. L’arabe est notre langue officielle, le français notre langue d’ouverture sur le monde.

L’annonce du Premier ministre sur l’arabisation de l’administration était attendue, cela m’étonne qu’elle suscite des manifestations. C’était une réforme qu’on évoque depuis longtemps. Elle est tout à fait normale à mon avis : cela n’a pas de sens de ne rédiger que les documents administratifs dans une autre langue que la langue officielle. C’est quelque chose que la majorité arabophone du pays réclame depuis longtemps. Même si cette évolution pourrait avoir comme effet d’imposer l’enseignement de base de la langue arabe à tous, y compris les minorités noires, pour moi, ce n’est pas une réforme discriminante, mais au contraire une équité qu’on rétablit.
Source: france24

Durant trente ans L'arabisation n'a pas réussie au Maroc. Elle ne réussira jamais en Mauritanie.

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