Souvent les retards de paiement ne sont pas dûs à un manque des liquidités, mais à une sorte de gourmandise entrepreuneuriale à la marocaine qui a pour principe de laisser son client attendre assez longtemps qu'il le peut. Entre temps on profite pour détourner son argent vers d'autres affaires comme si on contracte un crédit sans intérêt.
Pour mettre fin à ces lacunes le législateur à penser de faire sortir un projet de loi tant attendu sur les délais de paiement.
Délais de paiement: Enfin le grand virage | |
· 60 jours maximum, pénalités dissuasives, recours... les apports · Un observatoire pour analyser les dérives BOUFFÉE d’oxygène pour le monde des affaires! Le projet de loi tant attendu sur les délais de paiement est fin prêt. La dernière mouture a été validée par la Commission PME/CGEM de la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM) et transmise au ministère du Commerce et de l’Industrie, en charge de ce chantier. «Le texte fait l’unanimité de tous les opérateurs économiques», explique Kadmiri, président de la Commission PME. La réglementation vient combler un vide qui a duré trop longtemps. En effet, aucune disposition légale ne fixait de délai de paiement des créances. La loi 6-99 sur la liberté des prix et de la concurrence y faisait vaguement allusion, mais ne fixait ni délai pour le règlement des créances ni d’intérêt de retard et encore moins de voie de recours. Il s’agit de l’alinéa 1 de l’article 54. Celui-ci stipule qu’il est interdit de pratiquer des délais de paiement discriminatoires et non justifiés à l’égard d’un partenaire économique en créant pour lui un désavantage ou un avantage dans la concurrence. Par conséquent, faute d’un cadre juridique clair, les entreprises lésées n’avaient aucun recours contre le diktat de certains donneurs d’ordre. Les délais s’allongent donc, dépassant parfois 180 jours. Ces échéances, qui dépassent tout entendement, sont en réalité dues à un cercle vicieux: chaque entreprise détient des créances auprès d’une autre. Conséquence: plusieurs PME pâtissent à cause de la rubrique créances impayées. Certaines en sont même réduites à mettre la clé sous le paillasson à cause de problèmes de trésorerie. «L’argent est immobilisé pour supporter les mauvais clients au lieu d’être investi», signale le président de la Commission PME. C’est pourquoi les opérateurs économiques réclament depuis plusieurs années la réglementation des délais de paiement. Le texte a été rédigé par le ministère du Commerce et de l’Industrie et la CGEM. Plusieurs ministères ont été mis à contribution: Affaires générales et économiques, Justice, Finances… «Les pouvoirs publics adhèrent à cette revendication du monde des affaires car ils sont conscients que beaucoup d’argent échappe à l’investissement à cause du problème des délais de paiement», affirme Kadmiri. De plus, l’élaboration d’une loi sur la question n’aura aucun impact budgétaire. Le nouveau texte a donc le mérite de mettre fin à une situation de non droit. Il a pour ambition de fixer un délai pour le paiement des créances: entre 60 et 90 jours maximum. Un détail qui reste encore à trancher par le ministère du Commerce et de l’Industrie. Mais comme un benchmarking a été conduit au niveau du pourtour méditerranéen, il est fort probable que le Maroc opte pour 60 jours à l’image de la Tunisie qui vient de légiférer dans ce sens. La nouvelle réglementation sera applicable aussi bien à l’administration publique, les établissements placés sous sa tutelle, que les entreprises privées. «Mais les entités qui le souhaitent peuvent opter pour des délais plus courts», précise Kadmiri. Autre apport du nouveau texte, l’instauration d’une pénalité de retard dissuasive à l’encontre des mauvais clients. Les intérêts de retard seront bientôt fixés par le département du Commerce et de l’Industrie. L’on parle d’une pénalité de l’ordre de 15% du montant de la créance. Par ailleurs, le projet de texte prévoit des voies de recours. Contrairement au schéma précédent, le tribunal de commerce pourra statuer rapidement sur un litige portant sur les délais de paiement des créances. Un observatoire des délais de paiement sera également instauré. Il aura pour mission d’analyser les bilans des entreprises pour constater les dérives et identifier les clients et les secteurs mauvais payeurs. De plus, les commissaires aux comptes sont appelés à faire mention, dans leurs rapports, des délais de paiement pour les grandes entreprises. En France, la loi de modernisation de l’économie, adoptée en 2008, fixe à 45 jours fin de mois, ou 60 jours à compter de la date d’émission de la facture le délai de paiement entre les entreprises. Le taux plancher des pénalités de retard est égal à 3 fois le taux d’intérêt légal. Pour certains secteurs, un délai (avant le 1er janvier) est accordé pour se conformer à la loi. LE non-paiement des créances dans des délais raisonnables est un phénomène généralisé. Entreprises publiques, collectivités locales, grands groupes, grandes et petites entreprises sont tous logés à la même enseigne. Aucun secteur économique n’y échappe. Ce qui confère au Maroc une mauvaise image en matière de climat des affaires. Pour Hemmad Kessal, ancien président de la Fédération des PME et enseignant à l’université Al Akhawayn, «l’absence d’une loi fixant les délais de paiement est à elle seule un facteur rebutant pour les investisseurs, qu’ils soient nationaux ou étrangers». Ce qui lui fait dire que «les PME sont ainsi devenues les banques des grandes entreprises». Ainsi, d’un côté, des entreprises sont artificiellement maintenues en vie parce qu’elles ne paient pas leurs créances. Et de l’autre, des PME performantes souffrent à cause du problème de dettes. Hassan EL ARIF (lire cette article depuis sa source ici) |
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