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11/01/2010

Khalihenna Ould Rachid : Le Corcas est un Conseil royal consultatif et non une collectivité locale



Depuis sa création, le Corcas a participé à la résorption des déficits économiques, sociaux et diplomatiques dans le Sahara. Pour son président, il a réussi sa mission
Avec 141 membres d’horizons sociaux et politiques différents, il est difficile de faire l’unanimité. Les pouvoirs exercés sont en conformité avec le dahir régissant le conseil 
A l’international, le Corcas a aidé à renverser la vapeur en faveur du Maroc.
Ancien ministre chargé du développement des provinces du Sahara sous feu Hassan II, ancien maire de Laâyoune, aujourd’hui président du Corcas, la longue carrière politique de Khalihenna Ould Errachid a toujours été solidement arrimée à la question du Sahara. 
A quelques mois de la fin du mandat du conseil, son président, qui n’a pas que des alliés, revient sur ses principaux accomplissements de la structure, mais botte en touche dès qu’on l’interroge sur les dissensions internes au conseil, ou encore les réformes qu’il devrait subir. 

Le 6 Novembre dernier, le Souverain a annoncé une prochaine?réforme?du?Corcas. Quelle était la mission initiale du conseil lors de sa mise en place il y a trois ans et demi ? 
Créé par le Souverain le 25 mars 2006, le Corcas sert à mettre en phase le dossier du Sahara avec l’évolution de la politique nationale. Le dahir portant création du conseil lui assigne clairement des missions dans ce sens : aider Sa Majesté à préserver l’unité nationale et territoriale, contribuer à la promotion économique, sociale et culturelle des provinces sahariennes et, bien entendu, amener les Sahraouis et la communauté internationale à adhérer au projet d’autonomie. 

Au final, la structure a-t-elle accompli sa mission ? 
L’action humaine ne se solde jamais par un succès ou un échec total, mais je peux qualifier notre action de «success story». Sur le plan diplomatique, la situation du Maroc s’est nettement améliorée : elle n’a jamais été aussi favorable au Maroc qu’aujourd’hui. Sur les plans juridique, diplomatique, les acquis sont réels, la situation dans les provinces du sud n’a jamais été aussi stable, aussi apaisée. Des affaires comme celles d’Aminatou Haïdar ou Ali Salem Tamek ne sont plus susceptibles de mobiliser autant qu’avant, autant qu’en 2006. Par ailleurs, le Corcas a été l’élément central dans l’élaboration du projet d’autonomie. L’essentiel de ses travaux en 2006 a d’ailleurs été lié à l’élaboration de ce projet qu’il a fallu bâtir à partir de rien, car il n’existait pas au Maroc de jurisprudence concernant l’autonomie, y compris sur les plans juridique, constitutionnel ou administratif. C’est un projet qui a servi de base à l’initiative marocaine pour l’autonomie présentée au Conseil de sécurité et à la communauté internationale, et qualifiée de «projet sérieux et crédible». Nous avons participé à l’élaboration de ce texte mais aussi aidé à le faire connaître dans le monde. Toutefois, notre mission consistait avant tout à faire adhérer les Sahraouis eux-mêmes à ce projet, et le faire connaître dans le monde. Le Corcas est essentiellement un Conseil royal consultatif pour les affaires sahariennes, destiné à permettre aux Sahraouis de s’exprimer, les impliquer d’abord dans son élaboration, sa défense, et les inviter à adhérer à ce projet en tant que choix fondamental. Ce projet a changé la nature du conflit du Sahara et retourné la situation en faveur du Maroc. En 2006, en plus de la participation à l’élaboration du projet d’autonomie, nous avons également contribué à apaiser la situation politique qui prévalait à l’époque. Il s’agissait d’abord de mettre fin à l’agitation dans le Sud et lancer le processus de réconciliation. 

Quelle était l’origine de cette agitation ? 
Au Sahara, le politique prévaut partout. L’influence séparatiste était fortement implantée depuis 1976, il fallait donc réorienter la situation. Et c’est pour cela que nous avons étudié les causes à l’origine de l’agitation visible. Nous avons ainsi découvert un certain nombre de déficits sociaux, d’injustices administratives qui contribuaient en permanence à l’agitation. Le Souverain nous a chargés de nous attaquer à ces problèmes. C’est ainsi qu’il a amnistié 46 prisonniers, puis l’on a abandonné les poursuites contre près de 300 personnes, essentiellement des jeunes, qui étaient recherchés par la justice pour des raisons multiples et qui contribuaient à l’agitation. Ensuite, il a fallu s’attaquer à des problèmes sectoriels qui empoisonnaient l’atmosphère, comme le cas des employés des phosphates qui demandaient justice depuis 1977, celui des enseignants hérités de la colonisation espagnole, ou encore des membres de l’ancien conseil qui n’avaient pas été indemnisés, le problème des chioukh qui n’avaient pas reçu leur dahir de reconnaissance d’action, le cas des ralliés, etc. Bref, tout un ensemble de problèmes hérités du passé, sans relation les uns avec les autres, qui contribuaient à une agitation permanente. Tout cela a permis de détendre l’atmosphère tout en rendant notre action plus crédible. Ensuite, nous nous sommes attaqué à d’autres problèmes beaucoup plus importants, comme celui des camps érigés pour les personnes venues participer au processus d’identification, qui se sont transformés en bidonvilles, créant un sentiment d’injustice, de misère, d’insalubrité. Aujourd’hui, ces problèmes ont été résolus. Nous nous sommes attaqué à ces problèmes dans notre session de décembre 2006, et, en juillet 2008, il n’y avait plus de bidonvilles ni de camps dans les provinces du sud. 

Le 25 mars 2010, le mandat du Corcas touchera à sa fin. Quels sont les domaines que vous comptez aborder lors d’une dernière session ? 
Il reste encore beaucoup de sujets qui n’ont pas encore été abordés comme l’élevage ou l’agriculture. Nous n’avons pas abordé non plus le volet de l’action sociale de l’Etat, autrement dit l’emploi. 

Et à l’international ?
Sur ce plan-là, notre action est permanente, avec la défense du projet marocain mais aussi l’envoi de délégations à l’étranger. Nous avons participé à plusieurs reprises aux travaux de la Commission des droits de l’homme des Nations Unies à Genève où nous sommes d’ailleurs parvenus à faire taire le Polisario et l’Algérie. Désormais, le Maroc ne souffre plus en participant à ces rencontres, grâce aux actions lancées par le Corcas en coordination avec les administrations correspondantes : Affaires étrangères, Justice, CCDH. Désormais, le Polisario ne fait plus la pluie et le beau temps à Genève, idem pour les travaux de la IVe commission de l’Assemblée générale et le comité des 24 des Nations Unies. Voici autant d’acquis diplomatiques nouveaux pour le Maroc auxquels le Corcas a largement contribué. Il est également à noter que les trois résolutions adoptées par le Conseil de sécurité de l’ONU à propos de la question du Sahara depuis 2007 ont changé la nature du conflit. Même chose pour les négociations : à Manhasset, le Polisario et l’Algérie ne sont pas parvenus à prendre le dessus. 

Quelles sont les étapes qui se présentent devant nous aujourd’hui à l’international ? 
Tout d’abord, le Maroc ne craint plus la négociation. Il possède un projet qui est crédible, sérieux, qui a obtenu l’adhésion de la majorité des Sahraouis, et pas seulement ceux qui se trouvent dans les provinces du sud, car il faut aussi prendre en compte une très bonne partie de ceux qui se trouvent dans les camps. Il ne faut pas confondre ces Sahraouis et le Polisario. Ce dernier est une organisation politico-militaire, assujettie à ses protecteurs, contrairement aux Sahraouis qui ne le sont pas. La plupart des habitants des camps adhèrent à l’autonomie. C’est d’ailleurs grâce à cette adhésion que la situation dans nos provinces sahariennes a échappé définitivement au contrôle de l’influence pernicieuse du Polisario.

Vous semblez bien satisfait du bilan du Corcas. Pas de regrets ? 
Le Souverain a mis tous les moyens à la disposition du Corcas : la collaboration du gouvernement, les administrations, le Budget de l’Etat… C’est le temps qui nous a manqué, il nous en aurait fallu davantage pour faire autre chose, mais, en réalité, nous avons fait tout ce qu’il fallait faire et même plus. Nous sommes très satisfaits du travail accompli.

Quelles sont les difficultés que vous avez rencontrées en cours de route ? 
Les difficultés rencontrées ne sont pas d’ordre politique mais plutôt administratif, comme par exemple une étude ou un diagnostic mal faits. 

Pourtant aujourd’hui, plusieurs membres du Corcas critiquent le fonctionnement de cette structure. Certains vous accusent même d’avoir monopolisé le pouvoir au sein du Corcas… 
Le Corcas fonctionne dans le cadre des règles édictées par son dahir constitutif. Je ne sais pas quels sont ces pouvoirs que l’on évoque, mais en tant que président du Corcas, j’exécute le dahir stricto sensu. Le Corcas est un Conseil royal consultatif et non une collectivité locale. On ne peut pas non plus faire de propositions en dehors de ce qui existe et qui est arrêté par dahir. Le conseil est constitué de 141 membres appartenant à tous les partis politiques, de l’extrême droite à l’extrême gauche, à toutes les classes sociales, ainsi qu’à la société civile, il est donc très difficile de gérer ces membres dont les visions, les approches sont aussi différentes. 

L’on note aussi que les commissions du Corcas ne se sont pas réunies depuis leur mise en place. Deux sessions plénières par an, est-ce vraiment suffisant ? 
En tant que président, je me devais de préserver la crédibilité du Corcas. Les Sahraouis doivent croire en la capacité de cet organisme d’apporter quelque chose de positif, ce qui est très important. La première chose que j’ai faite a été de réunir le bureau des commissions pour savoir exactement dans quel sens elles voulaient travailler. Il s’est avéré que les commissions allaient simplement faire doublon alors qu’elles n’ont pas le pouvoir de faire des recommandations, contrairement aux sessions plénières qui ont le pouvoir statutaire de proposer au Souverain et d’engager des budgets auprès des organismes de l’Etat. Cela ne changeait pas grand-chose du moment que tout ce qu’on devait discuter dans les commissions allait être discuté en plénière. Or, les séances plénières ne sont pas inutiles ou stériles. Toutes nos plénières ont apporté quelque chose positives, réelles, concrètes. 

Ces commissions ne pouvaient-elles pas se réunir puis soumettre des propositions en séance plénière, à la manière d’un Parlement ? 
Non, comme je vous l’ai dit, le dahir est clair : l’ordre du jour de la séance plénière est arrêté par le président et approuvé par le Souverain. 

La réforme du Corcas a été annoncée dans le discours royal du 6 Novembre dernier. Que faudrait-il changer au niveau du conseil ? 
La seule chose que je peux dire c’est que le discours royal ouvre une nouvelle étape : il a été procédé à la résorption des déficits économiques, sociaux et diplomatiques, désormais, il s’agit de mettre en place une régionalisation avancée. C’est dans ce cadre-là que le Souverain a parlé de la restructuration du Corcas et de l’Agence de développement des provinces du sud. Conformément au dahir, le Corcas arrivera le 25 mars prochain au terme d’un mandat de quatre ans. La nouvelle phase que Sa Majesté vient d’ouvrir est la régionalisation avancée, et requiert de nouveaux outils, d’où ces réformes. 

En aparté :Des écoles d’enseignement supérieur dans le Sud à partir de 2010

Quelles ont été les thématiques traitées par le Corcas depuis sa mise en place ? 
Nous avons traité de quasiment l’ensemble des infrastructures et des secteurs sociaux, entre autres : habitat, transport aérien, infrastructures routières. Nous nous sommes aussi attaqué à la problématique de l’enseignement dans son ensemble et particulièrement l’enseignement supérieur, avec la création à partir de 2010 d’institutions d’enseignement supérieur dans la région.

A quand une université à Laâyoune ? 
Nous allons d’abord commencer par des écoles d’enseignement supérieur, avec la création de deux ou trois écoles, puis, selon les besoins, les transformer en université. Pour le moment, avec le ministère de l’éducation, nous avons visé les filières les plus prisées par les étudiants et qui correspondent le plus au marché de l’emploi : commerce et enseignement technique. Par ailleurs, au cours de ses travaux, le Corcas s’est également attaqué aux problématiques de l’eau, de la santé, de la formation professionnelle, de la pêche, de la culture hassanie et des droits de l’homme. Tous les programmes ainsi mis en place devraient être achevés avant 2012 ou d’ici là. 

Qu’en est-il des droits de l’homme ? 
Les sessions du CORCAS, qui sont statutaires, comprennent toujours deux points à l’ordre du jour : l’un économique et l’autre politique. La thématique des droits de l’homme n’était pas un tabou pour nous, nous l’avons abordé dès le premier jour. Au lendemain de l’amnistie, nous avons même convenu de critères et de règles à respecter pour tout le monde, y compris les sympathisants du Polisario, et que l’Etat applique fidèlement : tout le monde a la liberté de circuler, de voyager et de dire ce qu’il veut, d’écrire ce qu’il veut, mais il ne faut pas recourir à la violence dans quelque situation que ce soit. Grosso modo, cette situation a été respectée.  source: lavieeco


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