RABAT — La polémique enfle au Maroc à propos de la question, hautement sensible, de la vente d'alcool aux Marocains musulmans, interdite par la loi mais quotidiennement violée.
"La loi interdisant la consommation et l'achat d'alcool par les Marocains doit être abrogée parce que cela relève de la liberté individuelle", a déclaré mardi à l'AFP Khadija Rouissi, présidente de l'association Bayt Al-Hikma (Maison de la sagesse), une association non-religieuse qui s'occupe de questions sociales.
La controverse est née de la publication par Bayt Al-Hikma, le 8 décembre, d'un communiqué appelant à la levée de l'interdiction de la consommation et l'achat d'alcool par les Marocains.
"La loi selon laquelle l'alcool ne peut être vendu qu'aux étrangers est contraire à la Constitution, qui reconnaît les libertés individuelles fondamentales", soulignait le communiqué.
Mais en mai 2009, une partie de la population de Salé (la ville-jumelle de Rabat), encadrée par des militants du Parti justice et développement (PJD/opposition islamiste représentée au parlement), avait tenu un sit-in devant un centre commercial fraîchement construit pour protester contre la vente d'alcool.
Et en décembre 2009, Ahmed Raissouni, un théologien proche du même parti, a publié une fatwa appelant les Marocains à boycotter tous les supermarchés qui commercialisent l'alcool.
Un autre adversaire du changement, Sâad Eddine Othmani, ancien secrétaire général et membre dirigeant du PJD, souligne: "il y a une loi qui interdit la consommation de l'alcool par les Marocains et elle est claire. Elle doit être respectée".
"Cette loi a été faite par les Français du temps du Protectorat, par respect pour les Marocains. Il ne faut donc pas s'attendre à ce qu'on appelle à son abrogation", a-t-il déclaré à l'AFP.
En réalité, l'interdiction de la vente d'alcool aux Marocains remonte au dahir (texte juridique émanant du roi) de juillet 1967, qui précise dans son article 28 qu'il "est interdit à tout exploitant (...) de vendre ou d'offrir gratuitement des boissons alcooliques à des Marocains musulmans".
Dans les faits, aucune condition n'est exigée par les supermarchés pour la vente d'alcool aux musulmans et les bars qui existent dans plusieurs grandes villes du Maroc sont à peine discrets.
Soeur d'un militant de gauche disparu dans les années 60, Khadija Rouissi appartient au Parti authenticité et modernité (PAM/opposition parlementaire), dont l'un des fondateurs est Fouad Ali El Himma, un proche du roi Mohammed VI.
Pour le politologue Mohammed Darif, le communiqué de Bayt Al-Hikma est "incohérent parce que le parti auquel appartient Khadija Rouissi défend le projet du roi, Commandeur des croyants".
"En octobre 2003, lorsque le roi a présenté devant le parlement la réforme du statut de la femme, il avait déclaré qu'il ne peut +autoriser ce que la religion (islamique) interdit+", a souligné M. Darif.
Autre paradoxe marocain, entre 300.000 et 400.000 hectolitres de vin, dont plus de 50% de qualité supérieure, sont aujourd'hui produits dans le royaume. Et l'écrasante majorité de cette production (environ 85%) est bue localement. On peut sans risque affirmer que tout n'est pas consommé par des expatriés... (source: AFP)
2 commentaires:
voici la réponse de bayt al hikma à un moufti appelant à ne pas fréquenter les centres commerciaux qui vendent de l'alcool:
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Communiqué Un certain nombre de journaux ont publié dernièrement ce qu’ils ont appelé « fatoua » de M. Ahmed Raissouni, interdisant de fréquenter les commerces vendant les boissons alcoolisées. Bayt Al Hikma considère, après analyse des propos de M. Raissouni, qu’il est de son devoir en tant qu’association intéressée par le thème des valeurs et les libertés individuelles au Maroc, de préciser ce qui suit :
1. Les déclarations de M. Raissouni constituent une opinion personnelle et non une « fatoua » au sens religieux du terme, celle-ci étant, au Maroc, institutionnelle et non personnelle. Elle a ses normes et ses conditions reconnues, afin d’éviter les erreurs que pourraient commettre des individus, influencés par leurs choix politiques ou leurs gouts personnels. Notre pays n’a pas besoin de tomber dans cette cacophonie de « fatoua » que connaissent un certain nombre de pays du Moyen Orient, car cela nuit aux intérêts des personnes et menace la stabilité politique, sécuritaire et sociale dans ces pays.
2. L’opinion exprimée par M. Raissouni ignore totalement la nature d’une société moderne, basée sur le Droit, la diversité, la liberté de culte, la tolérance et le respect mutuel, car, nul besoin d’inciter les personnes ou les institutions, à partir de croyances propres, pour semer la haine et créer des tensions entre les personnes. Comme, il est nul besoin de tenter de standardiser toute la société selon un modèle unique et définitif quelles que soient sa nature et son origine.
3. La consommation de boissons alcoolisées au Maroc entre dans le cadre des libertés individuelles, et non d’une quelconque autorité ou autre qui pourrait la réprimer ou l’interdire. Comme le choix de ne pas boire de l’alcool ou le dégout de ces boissons pour des considérations religieuses ou personnelles est considéré également comme une liberté individuelle qui ne se discute pas. Les lois qui stipulent que les alcools ne doivent être vendus qu’aux étrangers, ou qui punissent les ressortissants marocains pour leur consommation ou achat d’alcool est en contradiction avec la constitution qui garantit la liberté et le Droit individuels et collectifs, et le Droit à la différence, ce qui conduira à l’abrogation de ces loi pour assurer la conformité du Droit marocain avec le texte de la constitution, comme le Maroc s’est engagé à le réaliser auprès des organisations internationales.
4. L’appel à ne pas s’approvisionner aux grandes surfaces qui commercialisent des boissons alcoolisées est du domaine de l’extrémisme religieux et du puritanisme aveugle qui n’a pas lieu d’être, car ces commerces réservent aux clients de boissons alcoolisées une aile spéciale. Dire que le citoyen ne doit pas voir d’autres personnes s’approvisionner en alcools, ou en vendre participe à un « pêché et une agression »est une vision clairement belliqueuse de l’autre, comme elle est contraire aux valeurs de tolérance, base de toute société démocratique moderne.
5. La règlementation sur la vente d’alcool est connue et libre dans les pays démocratiques. Elle interdit la vente aux enfants et aux mineurs, ainsi que la conduite en état d’ébriété, la menace de la sécurité d’autrui ou la violation d’un de ses droits."
Ce "moufti" a peut être 4 femmes ?
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